Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Cathy Yogo
Archives
3 juin 2020

Ces artistes qui ont dit non

 

charlotte drapeau

A travers certaines de leurs chansons ou lors de prises de parole publiques, Lapiro de Mbanga, Longue Longue, Charlotte Dipanda, Valsero, entre autres, militent pour une alternance politique. "L’Etat actuel est arrivé à bout de ce qu’il pouvait proposer au Cameroun. Humblement, sans rancune, il gagnerait à céder la place à une nouvelle gouvernance". Le sourire ravageur en prime, Charlotte Dipanda a tenu ces propos lors d’une interview accordée à la journaliste Ekia Badou de Voice of Africa. La chanteuse exprimait ainsi son parti pris pour une alternance politique dans son pays.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'a pas vu venir cette déclaration, aux antipodes de l'image de la star camerounaise. Presque personne ne s’attendait à ce que la douce chanteuse aux mélodies envoûtantes exprime publiquement une telle opinion, à côté de certaines personnes qui voient en l'actuel chef de l’Etat un messie. Un nonagénaire qui, même après 39 ans «continue de gouverner le pays par droit divin », a-t-on souvent entendu des militants du parti au pouvoir dire. Sous cet angle, personne d’autre ne serait donc à même d’insuffler une nouvelle énergie au Cameroun en proie à plusieurs maux, en plus du Covid-19, l’ultime supplice. Charlotte Dipanda pense donc « qu’il est temps qu’on nous propose autre chose. Il est temps que le Cameroun se développe. Parce que, tant qu’il n y a pas d’alternance, il n’y a pas de développement possible ».

Entre ceux qui soutiennent la liberté de penser de l’artiste et ceux qui fustigent ses propos, c’est le branle-bas. La chanteuse est désormais vue comme une artiste engagée ou une artiste de l’opposition pour emprunter à une expression bien de chez nous. Certains prédisent déjà la fin de sa carrière. On ne le lui souhaite quand même pas ! Toutefois, certains critiques pensent pour leur part que «l’Etat a réussi à installer une forme de torpeur faisant en sorte que par peur, tout le monde se terre et cache lâchement ses opinions. Les artistes, en bravant cette peur, font beaucoup de bien aux autres, car les langues se délient», explique un critique. En effet, depuis le début de ce que l’on peut désormais appeler "l’affaire Charlotte Dipanda", sur la Toile, de nombreux jeunes s’identifient à la douce chanteuse qui a osé dire non. Beaucoup sont devenus Charlotte Dipanda. En tout cas, plusieurs autres artistes ont déjà manifesté leur ras le bol contre le régime d’Etoudi. Chacun à sa manière.

Le Général Valsero

Le Général

Valsero de son vrai nom Gaston Paul Abé, est le plus haut gradé des artistes camerounais qui dénoncent le pouvoir. Un "Général" qui, depuis plus d’une décennie, retranscrit avec une rage incisive les cris d’une jeunesse en souffrance. Il dénonce «le pouvoir confisqué par une certaine élite ». Le rappeur se sert alors de la musique pour faire passer ses messages, comme avec le morceau «Lettre au Président », dans lequel il rappelle les promesses présidentielles qui tardent à venir. Il en écrira deux autres sans réponse et finira par « Porter plainte ». Dans la chanson au titre éponyme, Valsero accuse les hommes du gouvernement, entre autres, « la ministre de la Culture de (cette époque) qui n’a pas d’arme pour combattre la piraterie et le ministre de la Justice qui laisse régner l’injustice au palais de justice ». Sans doute pour se faire entendre, il va militer dans les rangs du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Son engagement lui a valu un séjour en prison. Son délit : avoir participé aux marches blanches » organisées par l’opposant politique Maurice Kamto et le Mrc.

Longue Longue le Libérateur Au Cameroun comme partout ailleurs, il est difficile de dénoncer sans laisser des plumes. Le chanteur Longue Longue l’a compris à ses dépens. « J’ai été torturé à la machette, on m’a bastonné à mort, je vous dis que j’ai même pissé du sang », va-t-il confier en larmes lors de son passage à l’émission "Dimanche avec vous" de la chaîne de télévision Equinoxe. Dénonçant au passage le retrait de son passeport, sans quoi il ne pouvait plus offrir de spectacles hors du Cameroun. Longue Longue en a profité pour demander pardon au chef de l’Etat, tout en promettant de laisser la politique aux politiciens, afin « de voir ses enfants grandir ». Mais, l’engagement a la peau dure.

Après ses chansons "Ayo Africa" et "Privatiser", dans son nouveau single, celui qui s’est autoproclamé "le Libérateur du peuple camerounais", précise d’entrée de jeu que, sa liberté de penser ne changera jamais. «On les a suppliés de décentraliser, ils ont décidé que tout passe par Yaoundé. Ils sont au pouvoir depuis fort longtemps et en plus, ils veulent se faire succéder. Ils sont fatigués, au lieu d’aller se reposer, ils ont la boulimie du pouvoir ». Dans cette chanson de 4 mn 15 secondes, Longue Longue de vrai nom Simon Longkana Agno dénonce ce qui, pour lui, est une manière égoïste de gérer le Cameroun.

bona

Richard Bona n’en pense pas moins. Désormais, les lives du bassiste américain d’origine camerounaise sont très courus sur Facebook. Se servant de sa voix, accompagnée quelque fois de sa guitare basse ou de son piano, il exprime son vœu de vivre une alternance politique au Cameroun et manifeste clairement sa colère contre le chef de l’Etat. « Une chose est sûre, il faut que Biya parte ! 38 ans, ça suffit », a-t-il coutume de scander.
Mais qui connait l’ironie du célèbre bassiste imagine aisément que ses déclarations sont une moquerie voilée. En effet, à travers un post sur sa page officiel Facebook, il promet de revenir au Cameroun en 2035, lorsque l’émergence promise par le président de la République se fera. Le célèbre chanteur s’insurgeait alors contre la loi camerounaise qui n’autorise pas la double nationalité. Entre autres raison pour lesquelles il interdira au gouvernement d’exploiter son image. Ce d’autant plus que, selon lui, le Cameroun lui a interdit d’accompagner sa maman à sa dernière demeure il y a 3 ans.
Par contre, vendredi 28 mars 2014, la famille de Pierre Roger Lambo Sandjo dit Lapiro de Mbanga elle, a eu la chance de l’accompagner. Mais loin de son Mbanga natal, la ville qui l’a vu naître et cette ville qu’il a tant aimée. Conformément à sa dernière volonté, Lapiro a refusé ses restes au Cameroun, demandant qu’on l’incinère à Buffalo aux Etats-Unis. C’est le dernier pied de nez d’un écorché vif.
Lapiro de Mbanga s’est exilé aux Etats-Unis en 2012, juste après avoir passé trois ans en prison. On l’accusait d'avoir participé aux émeutes de la jeunesse contre la vie chère et contre le projet de modification de la Constitution par le chef de l'Etat, en février 2008. Pour Ndinga man c’était l’ultime moyen de reconquérir ses fans qui le soupçonnaient d’avoir retourné la veste au profit du pouvoir en place. Tout simplement parce qu’il avait remis en question la stratégie de l’opposition. L’engagement politique de Lapiro de Mbanga lui a coûté la vie. Car il sort de prison très affaibli par de mauvaises conditions carcérales. On retient de lui, l’image d’un artiste engagé frondeur, fonceur et bouillonnant d’envie de voir les choses changer positivement. Il laisse à la postérité dix albums avec des titres qui dénoncent comme "Na wo go pay", "No make erreur", "Mimba wi"… "Qui va payer la note", "Ne fais pas l’erreur", "Pensez à nous" traduit du Pidgin au français.

bikoko

En son temps, le regretté Jean Bikoko Aladin avait été censuré des ondes de la Radio nationale. Avec de l’humour et de la métaphore, le pape de l’Assiko faisait passer ses prises de position envers le pouvoir du défunt président Ahidjo. Jamais honoré par l‘Etat camerounais de son vivant, ce combattant de la liberté a tiré sa révérence, sans fortune certes, mais avec beaucoup de fierté. Lors de ses obsèques en 2010, au moment où Amah Tutu Muna, la ministre des Arts et la Culture, a voulu l’honorer, une forte pluie torrentielle s’est abattue à Eseka perturbant ainsi la cérémonie. Pour les notables bassa, le chanteur d’Assiko a marqué son mécontentement envers le pouvoir.
Eboa Lottin, chouchou du président Ahidjo, a pourtant critiqué ce dernier en 1977, lorsqu’il a interdit le Ngondo. Dans une chanson, il lui demande, que deviendrait l’homme de l’Ouest sans sa sauce jaune et le Bakoko sans son Nyemwé ? En somme le Douala n’est rien sans son traditionnel Ngondo. Dans sa chanson "Le jour de ta mort", il fustige aussi l’enrichissement illicite de certains pontes du pouvoir.

bebey

Francis Bebey n’a non plus été tendre avec le régime du président Ahidjo. Dans la chanson O’bia, il déplore son mode de gestion du Cameroun. Parodiant ce chasseur qui ne comprend pas pourquoi ses pièges sont tout le temps vides, il met en garde les gens contre les indics. « Fais attention sur les chemins que tu empruntes, fais attention aux gens que tu fréquentes et ceux à qui tu te confies », conseille-t-il.
D’autres artistes comme le regretté Omer Augustin Ndongo ont applaudi l'arrivée de Paul Biya à la tête du pays. Sa chanson "l’homme du renouveau" célèbre l’ascension au pouvoir du président Paul Biya en 1982. Elle a longtemps été diffusée sur les ondes de la Ctv radio devenue Crtv et son refrain est encore repris à cœur joie par certains militants du parti au pouvoir. «Président Paul Biya oyé oyé. Nous vous souhaitons prospérité, santé et longue vie à la tête de l’Etat », scandent-ils souvent. Le 14 février 2020, l’artiste est parti sans avoir touché ses droits d’auteur témoignent ses proches.
A travers sa chanson "Rigueur" sortie après l’ascension de M. Biya au pouvoir, Jojo Ngalle fera un réquisitoire contre les 24 ans de la présidence d’Ahidjo. En même temps qu'il exaltait le renouveau et ses promesses. Paul Biya y était alors présenté comme le nouveau garant de la paix et du travail, comme celui qui allait éradiquer à la corruption, tout en faisant rayonner l'unité nationale et le progrès.
Avec sa chanson "Liberté", paru en 1984, Anne Marie Nzié va pousser un ouf de soulagement contre les 22 ans de pouvoir du président Amadou Ahidjo au pouvoir. Dommage que 37 ans plus tard, on en soit encore à s’en prendre aux artistes critiques du pouvoir
Cathy Yogo

 

 

 

Publicité
Commentaires
Le blog de Cathy Yogo
Publicité
Le blog de Cathy Yogo
  • Ce blog est un clin d’œil au quotidien des immigrés en France, ma terre d’accueil depuis 2013. Un regard curieux de la journaliste que je suis. Une envie d’interpeller la société en peignant notre vécu de belles couleurs. Une simple envie de m’évader.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Newsletter
2 abonnés
Publicité